
J’ai percé l’abat-jour bleu des restrictions des
couleurs, j’ai débouché dans le blanc ; camarades
aviateurs, voguez à ma suite dans l’abîme, car j’ai
érigé les sémaphores du suprématisme. J’ai vaincu
la doublure bleue du ciel, je l’ai arrachée, j’ai placé
la couleur à l’intérieur de la poche ainsi formée et
j’ai fait un nœud. Voguez ! Devant nous s’étend
l’abîme blanc et libre.
– Kasimir Malévitch, Le Suprématisme.
À l’occasion de la création de l’association pétersbourgeoise l’Union de la
Jeunesse, en 1913, Kasimir Malévitch s’inscrivit résolument dans le débat
public pour s’associer au manifeste collectif qui proclamait les prémices de
l’art abstrait. Dans le même élan, il s’investit dans la réalisation d’un opéra
futuriste, Victoire sur le soleil, traduisant les procédés transrationnels1 avantgardistes.
Malévitch composa le décor et les costumes, Mikhaïl Matiouchine
(1861-1934) la musique et Alexei Krutchenykh (1886-1968) le livret. Cet
opéra avait été conçu comme la consécration d’un voyage initiatique où des
personnages futuristes partaient à la découverte d’un monde imaginaire. Il se
caractérise esthétiquement « par le renversement des valeurs spatiales et l’abolition
de la vision mono-centriste de l’espace. Désormais, l’espace se pensera de l’extérieur, à
partir des visions interplanétaires et extraterrestres2. »
Texte intégral de l’article paru dans le n° 3 de la revue Contrelittérature – ART RADICAL :



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