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Musique de l’âme

V. Kandinsky

Je touche. Et c’est vide. C’est ma case-ciel. Cette quête comme une quintessence de ma vie.
Entre moi et le ciel, il y a la musique. Mes vers. Mes élans. Souvent un rythme que j’insuffle aux mots. Dans la chair des consonnes, je sens le retentissement des voyelles. Je cours après les couleurs. Mon être a un lien singulier avec elles. Un mélange féerique d’oranges rougeâtres chatoyants et vifs m’arrache l’âme. Cela me dépouille cette course de mon souffle.
Épuisante, enivrante allée vers ma case ! Je joue. Je perds. Je gagne. Non, je ne gagne jamais. Un autre air m’enveloppe l’âme. Je ne le quitte point. Je me jette ainsi dans la trame d’un château. Et je crée. Je le construis. La nuit, mon château prend forme. J’y prends soin avec ferveur. Dans le noir, ma voix devient pure quand je chante. Ensorcelée par mes rêves rouges et mon écriture bleue, la sérénité est en passe d’advenir. Mon être a recours ainsi aux contes et à la fable populaire. La sagesse et le don m’émeuvent. Le vert flou au-dessus des arbres, c’est mon ciel. Les animaux heureux de chanter et de pousser des hurlements – puissants à mon oreille – ravivent mon âme. Je suis en sueur. Le sifflement du vent me secoue et me réveille. Il me caresse les membres et mon dedans chante, mon corps s’agite dans l’ombre. Étourdie par cette force vitale du mouvement, j’interprète mes poèmes qui me guérissent. Ô son qui me vient de loin, je suis à toi ! Je suis à toi poème, ma pensée, à toi jusqu’à la mort. “La mort est interminable” chantait Daumal, et je me joins à cette quête d’abandon ; cette empreinte que je fais mienne. J’éprouve toujours cette saveur, je capte cette sensation visuelle d’écrire. Émouvoir la vie, mes objets, mes êtres, m’émouvoir. Même les inanimés.
Comme Orphée ajouta deux cordes à la lyre, je brode des vers endormis sur mon oreiller enchanteur, et tout devient poème.
Je fais miens les héros voyageurs parsemant la nuit. Je les protège et mon être leur ressemble. Nous sommes en accord. L’être fugitif que je suis, je reconnais les instincts et impulsions de vie, les clous sanglants des coups. Ma recherche ne s’arrête point. D’une fantaisie débridée, mes vers sont en quête d’une source. “Mais qui a bu à la source de vie ?”, soulignait Artaud. Mon poème, comme l’eau d’une source bienfaitrice, me protège.
Osmose de nos expressions, ma musique et mes vers deviennent une musique de sphères ; ce son créé par diverses planètes tourne autour de ma case-ciel.
Tout à ma musique, je m’adresse à la nature. Je parle aux fleurs et envie leur corolle jaune, leur secret de floraison. Orner un panier, me cacher au milieu des tiges où je peux apercevoir mieux le monde, les êtres et me découvrir. De là, je plonge dans ma tendre enfance. Mon berceau de l’enfance. Je ressens les délices de l’âge innocent parmi cette frondaison aimante.
Ce temps doux et nonchalant. L’enfant que je redeviens ne se laisse pas tromper. Les contes de la Belle de la terre fuyante demeurent toujours en moi. Cette colline inspirée où elle danse, il n’est rien de meilleur à mon monde que de me trouver comme avant, assise à genoux, et d’écouter cette prose poétique par la bouche de mon père.

Extrait de ”Surface suivi de Case-ciel”, Éditions du Petit Véhicule, octobre 2019

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